L’égouttage est une phase essentielle dans la fabrication du fromage. C’est à ce moment-là que l’eau contenue dans le caillé s’évacue, permettant de concentrer les éléments solides du lait. Un bon égouttage influence directement la texture, la conservation et le goût du fromage.
Pourquoi l’égouttage est-il important ?
Le lait contient environ 88 % d’eau. Lorsque nous transformons le lait en fromage, nous cherchons à en retirer une partie pour obtenir un produit plus ferme et plus stable dans le temps. C’est à partir de la maitrise de l’humidité finale du produit que nous pouvons avoir autant de fromages différents en France à partir d’un même lait de vache.
Cela va aussi jouer un rôle sur le développement des micro-organismes, ce qui impactera l’affinage et la conservation du fromage.
Les différents types d’eau dans le caillé
Dans le caillé, l’eau est présente sous plusieurs formes :
L’eau liée aux micelles de caséine (protéines du lait)
L’eau retenue par capillarité autour des micelles
L’eau libre qui circule dans les cavités du réseau de caséines et de calcium
L’égouttage permet d’évacuer ces eaux par différents moyens :
Par acidification, qui fragilise le réseau protéique
Par synérèse, qui est la contraction naturelle du caillé
Par des actions mécaniques comme le brassage, le chauffage ou le pressage
Parole d’un vieux fromager à mes débuts :
Un mauvais égouttage en cuve ne pourra pas être corrigé sur la table d’égouttage.
Les techniques d’égouttage
1. L’égouttage par acidification
L’acidification influence la structure du caillé en modifiant sa minéralisation.
Un caillé riche en calcium (peu acide) sera plus solide et se contractera bien, donnant une pâte souple et sèche, comme les pâtes pressées cuites.
Un caillé acide sera plus fragile, cassant et difficile à manipuler.
Attention : Une acidification trop rapide chasse trop d’eau, rendant le fromage dur, crayeux et long à affiner.
La pratique du Fromager :
Si l’acidification est trop rapide (par exemple, à cause d’un excès de ferments), il faut adapter la fabrication en réduisant la température pour ralentir le processus et diminuer les temps de fabrication en cuve.
2. Influence de la température d’emprésurage
La température d’emprésurage agit sur :
La contraction du caillé (synerèse)
La vitesse de prise du caillé
Le développement des bactéries
Plus la température augmente, plus le caillé s’égoutte… jusqu’à un certain point. Au-delà, l’eau peut rester bloquée dans la pâte.
La pratique du Fromager :
Lorsque je fabriquais de la tomme des Pyrénées, l’emprésurage était à 33°C. Si la température montait à 35-36°C, la pâte devenait caoutchouteuse, les grains de caillé séchaient trop vite sur l’extérieur (coiffage du grain, recherché en fabrication pâte persillée) et le fromage détalonnait .
À retenir :
Un caillé présure a un égouttage plus rapide, donnant une pâte élastique et minéralisée.
Un caillé lactique garde plus de sérum et s’égoutte lentement, donnant une pâte friable , humide et démineralisée .

3. Influence des actions mécaniques
– Le décaillage
Couper le caillé en petits morceaux permet d’accélérer l’égouttage. Plus les grains sont petits, plus la surface d’évacuation de l’eau est grande.
Exemple :
Un grain de 2×2 cm a une surface développée de 300 m².
Un grain de 1×1 cm a une surface développée de 600 m².
= Un grain plus petit = un égouttage plus important.
– Le brassage
Le brassage maintient les grains de caillé en suspension pour favoriser la sortie du sérum. Dans les fromages à pâte pressée, il est souvent accompagné d’un chauffage pour accélérer encore l’égouttage.
– Le délactosage
Cette technique, plutôt utilisée en industrie, consiste à remplacer une partie du sérum par de l’eau à température de la cuve ou légèrement plus, ce qui réduit la teneur en lactose et limite l’acidification. Cela permet d’obtenir une pâte plus souple et d’éviter un égouttage trop intense. Elle peut être utilisé lorsque nous avons une acidification trop rapide et ainsi éviter une pâte crayeuse sur le produit final.

La pratique du Fromager :
Pour éviter que ma Raclette ne relâche trop de graisse à la fonte, nous pratiquons un léger délactosage en ajoutant 60 L d’eau pour 400 L de lait, sans retirer de sérum.Cela me permet aussi de garder une typicité de goût sur mon fromage.
4. Le pressage : optimiser la structure du fromage
– Le prépressage
Le caillé est transféré dans un bac et légèrement pressé (10-20 g/cm²) pendant 5 à 15 min. Cela homogénéise les grains et permet de découper des morceaux de caillé de taille identique pour obtenir des fromages réguliers.
À savoir :
Les trous irréguliers (style « cavernes ») sont dus à un mauvais soudage du caillé ainsi qu’à une poche d’air enfermée pendant le moulage.
Les trous bien ronds et lisses sont dus aux bactéries qui produisent du gaz pendant l’affinage.
– Le pressage final
Il se fait directement dans les moules avec des poids, des presses pneumatiques, des seaux d’eau voir des pierres et dure entre 6 et 20 heures avec des retournements réguliers. Cela permet d’obtenir une forme stable et une pâte homogène.
Remarque pratique :
Un pressage trop fort au départ peut bloquer la sortie du sérum et donner un fromage humide au centre. On commence généralement à 20 g/cm² et on augmente progressivement jusqu’à 60 g/cm².

La pratique du fromager :
Pour mes pâtes pressées cuites (PPC) et pâtes pressées non cuites (PPNC), j’utilise des moules en inox perforé avec une toile en lin. Elle améliore l’égouttage, maintient l’humidité et favorise le développement des levures en surface.Je les presse avec des bidons d’eau plus ou moins remplis.Je commence par 2,5 l au 1 er retournement, ensuite 5 l au 2 ème R, 7,5 au 3ème R pour finir à 10 au dernier R.
Comprendre les deux grandes familles de fromages
1️⃣ Les fromages à caillé lactique (ex. chèvre frais) :
Égouttage lent
Peu d’intervention mécanique
Pâte friable, humide, faible en calcium
2️⃣ Les fromages à caillé présure (ex. PPC) :
Égouttage rapide en cuve et en moule
Interventions mécaniques nombreuses (décaillage, brassage, pressage…)
Pâte plus ferme, riche en minéraux et mieux conservée
Remarque :
Certains fromages, comme le Reblochon, combinent ces deux méthodes : une acidification maîtrisée avec peu d’interventions mécaniques en cuve et un pressage léger.
Conclusion
L’égouttage est une étape clé de la fromagerie, influencée par de nombreux facteurs : acidification,température, actions mécaniques et pressage.
Un bon fromager sait jouer sur ces paramètres pour obtenir la texture recherchée.
À retenir : Chaque type de fromage a un égouttage spécifique, et il est essentiel d’adapter ses pratiques pour garantir un bon affinage et un goût optimal !
En résumer:
réussir son égouttage en pratique
✅ Surveiller l’acidification et agir en conséquence (température, délactosage).
✅ Bien choisir la taille des grains pour maîtriser l’égouttage.
✅ Retourner les fromages rapidement et régulièrement en moule.
✅ Ne pas presser trop fort au début pour éviter le bloquage de l’égouttage.
Un bon égouttage, c’est la clé d’un fromage réussi !
